L’extrême banlieue qui ronge à toute vitesse les derniers champs entre le Caire et les mastabas de Saqqarah est ce que j’ai vu de plus sinistre jusqu’ici. Des cartons à chaussures de 5 mètres sur 10 en briques rouges, totalement clos sur trois côtés, empilés les uns sur les autres n‘importe comment, reposant sur un sol boueux jonché de détritus. Aucune lumière dans les passages, aucune parabole sur les toits, même la télé est un luxe. Si la foi est inversement proportionnelle au désespoir, l’intégrisme est promis à un avenir brillant ici.
De toute façon, 98% des femmes (estimation personnelle) portent au minimum le foulard, et on ne croise pour ainsi dire aucune jeune fille de moins de vingt ans la tête nue. La jeunesse aime Allah. Beaucoup de jeunes hommes arborent cette marque brunâtre sur le front qui signale l’homme pieux. Je ne peux pourtant m’empêcher de considérer quelque un qui se frotte le front contre le sol à longueur de journée comme un malade compulsif.
La mosquée Mohammed-Ali (moi j'dis, champion de boxe, sultan... quel type quand même)...
… au cœur de la citadelle bâtie par Saladin pour protéger la ville des Croisés.
Le Caire a pourtant dû être un jour une ville séduisante au confluent de l’Orient et de l’Occident, à taille humaine, à l’atmosphère respirable, où les Egyptiennes avaient le droit d‘être belles et où les compteurs des taxis fonctionnaient tout comme le reste. Partout on voit encore les traces décrépites d’un bref «âge d’or» remontant aux années 50-60. La période Nasser. De toute façon une période où le monde devait être plus beau, fonctionner mieux, croire en son avenir. J’envie un peu mes parents, qui m’ont précédé devant les pyramides à une époque où elles étaient encore en plein désert, mais me console en pensant à ce qu’il restera à voir à la génération après moi. L’enlaidissement du monde, voilà la vraie tragédie.
Je ne pense pas être le premier touriste à m’être fait prendre en photo à cet emplacement.
1 comment:
magnifico!
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